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Les séquelles de la guerre

  • Photo du rédacteur: Izabel Lopez Raymundo
    Izabel Lopez Raymundo
  • 5 juin 2021
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 21 avr. 2023

Moi Izabel Lopez Raymundo, adoptée en Belgique et née au Guatemala, je souhaite aujourd'hui vous partager mon histoire car malgré un début de vie en pleine guerre civile et malgré les difficultés du déracinement, j'ai décidé de continuer à garder le sourire et de remercier la vie.




Au commencement


Le Guatemala a connu une période de guerre civile qui dura de 1960 à 1996. Je fais partie des victimes collatérales et que l'on a fait disparaître volontairement pendant la guerre. Cela engendra par la suite un trafic d'enfants au système bien huilé, au profit du pays et qui resta très longtemps sous silence. Cette guerre brisa des milliers de familles les laissant dans une misère et un désarroi sans nom, essayant de se reconstruire malgré la douleur d'avoir perdu des êtres chers.

Des récits de guerre et de villageois mayas rescapés des massacres dans la région du Quiché, sont nombreux, surtout au Guatemala et en Amérique du Nord. Pour ma part, je souhaitais témoigner de ma propre expérience avec le regard de la résilience et non de l'injustice et de la colère. Que ce soit au nom de ma famille et en hommage aux victimes de la guerre, il me tenait à coeur de prendre le temps pour partager une partie de mon histoire de survivante et de ce qui aura été l'un des plus grands génocides mayas de l'histoire du Guatemala.



" Ce n’est pas le fait d’être aimé par quelqu’un qui guérit notre guerre civile intérieure, c’est d’être aimé par soi-même, de s’accepter, de la racine à la cime "

- Placide Gaboury - ».



Je suis née à Nebaj en1980 au Guatemala dans le département du Quiché, appelé par les forces de l'armée le triangle Ixil. Nebaj, Chajul et San Juan Cotzal font partie des régions les plus touchées par le conflit armé interne. L'armée est arrivée dans mon village et à massacré une grande partie de ses habitants, ainsi que certains membres de ma famille. J'ai moi même été blessée par balle dans la poitrine, à proximité du cœur, je n'étais alors âgée que de 18 mois. L'histoire officielle raconte qu'un militaire m'a retrouvé seule et à l'agonie. Il m'a emmenée à l'hôpital et j'ai ensuite été transférée à l'orphelinat de Quetzaltenango, dans l'attente de trouver une nouvelle famille. Je me ensuite envolée pour découvrir mon nouveau foyer en Belgique.

Une grande partie de ma vie, j'ai pensé que ce mystérieux militaire était mon seule sauveur, j'ai même essayé de le retrouver mais sans succès.

C'est alors que seule "maître" de ma destinée, je me suis rattachée à l'idée que je n'avais plus de famille et par la force des choses, sans identité réelle je me suis forgée au fil du temps une carapace de combat, pour faire face à la réalité de la vie parfois très mesquine, me posant incessamment des milliers de questions : "qui suis-je ? quel est mon nom biologique ? quand suis-je née ? Pourquoi moi ? etc..." J'ai dû porter sur mes épaules le poids d'un destin "tragique, celui d'une survivante de guerre et unique rescapée d'un génocide atroce ayant décimé en un instant toute ma famille ainsi que tout un village, rêvant alors que mon ange gardien était un homme courageux et valeureux, m'ayant trouvé comme par miracle au milieu de toutes les victimes et me sauvant la vie en me donnant peut-être le nom de quelqu'un qu'il aime, sa mère, sa femme ou sa fille : Maria Isabel. Cependant la réalité est tout autre et c'est en 2008 que ma vie prend un tournant radical. Je découvrirai l'existence d'une partie de ma famille et que pendant la guerre les enlèvements étaient monnaie courante. Je porterai alors l'étiquette d'une victime d'une pratique appelée "les disparitions forcées", réalisant qu'un militaire m'avait peut-être emporté volontairement, ainsi que de nombreux autres enfants. Nous avons été placé à l'adoption internationale dans des pays lointains. Certaines adoptions étaient parfois illégales et un trafic bien organisé d'enfants devint l'une des plus tristes et sordides histoires, plongeant ainsi la Belgique dans une tout autre réalité. Ce qui fût un coup de massue tant pour moi que pour mes parents, a été de découvrir qu'au Guatemala j'étais une petite filles portée disparue depuis 1982, et recherchée pendant toutes ces années par des sœurs désespérées mais bien déterminées à connaître enfin la vérité. La détermination de l'une d'entres elles aura fini par porter ses fruits et même si à l'heure actuelle, je ne les ai toujours pas rencontrées, je mets tout en œuvre pour que nos vœux les plus chers deviennent réalité et que nous puissions nous retrouver après plus de 30 années de séparation.


Blessures de guerre et déracinement


« Naître dans une couleur et grandir dans une autre ».

Pendant des années, j'ai fait des cauchemars de guerre, j'avais la crainte qu'on vienne me chercher la nuit. J'avais peur des militaires, des armes, de dormir la nuit... Je me sentais différente, il faut savoir qu'à mon arrivée en Belgique, je parlais un mélange d'espagnol et de dialecte maya, et mes parents ont eu beaucoup de mal à communiquer avec moi. Physiquement aussi, je ne ressemblais à personne de mon entourage. La multiculturalité dans les années 80 était moins forte qu'aujourd'hui et mon déracinement à commencé à se faire ressentir au plus profond de mon être. Avec mon teint halé et mon petit gabarit (plus petit que la norme belge), j'ai connu beaucoup de méchanceté, de moquerie, de racisme et de discrimination.




Gratitude et résilience

Heureusement malgré tant de difficultés et de douleur, j'ai réussi à me reconstruire et à lâcher prise avec toutes mes blessures, qu'elles soient physiques ou psychologiques. J'ai vécu des moments merveilleux et j'ai rencontré des personnes bienveillantes qui auront pu me guider vers un chemin moins tortueux. Mais les séquelles de la guerre restent toujours au fond de mon coeur, j'ai simplement décidé de les apprivoiser et de vivre avec ma part d'ombre et de mettre en lumière ce qui est positif. Changer ma vision de la vie, m'aide à accepter ce que certains qualifieraient peut-être d'inacceptable et guérir ma guerre intérieur, c'est aussi dire merci à la vie.


Mes soeurs arrivent à pardonner les actes de leurs ennemis et bénir toutes les personnes qui nous ont détruite. Je m'incline devant une telle grandeur et force de pensée. J'apprends à mon tour, considérant alors mon expérience de vie sous un autre angle. Je décide à mon tour de pardonner et préfère garder dans mon coeur l'image que mon héro à l'étiquette de rafleur reste malgré tout mon sauveur. Mes soeurs remercient l'existance que je sois toujours en vie, car pour elle c'est le cadeau le plus cher à leurs yeux. Alors je l'accepte aussi, car sans ce militaire, peut-être que je ne serais plus là aujourd'hui pour témoigner et dire à mes soeurs, je vous aime. Merci





 
 
 

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